Nous en avons tous en quantité, toute l’année et c’est gratuit : il s'agit de l'urine. Et si on faisait de ce déchet liquide, quelque chose d’utile ? Comme la recycler pour remplacer les engrais chimiques !
Chaque année, un européen produit en moyenne 500 litres d'urine, de quoi remplir entièrement trois baignoires. Bien que ce liquide corporel contienne des éléments précieux, il est mélangé aux autres matières et évacué dans les égouts.
Les créateurs de la start-up Ecosec ont trouvé la clef : la collecte. Basée à Montpellier, l'entreprise a développé des toilettes sèches qui séparent matières fécales et urines : les premières sont envoyées à l'arrière des toilettes, les secondes vers le bas. 
"Tout le monde comprend bien que si l'on trie l’aluminium d’un côté, le verre de l’autre, le papier, le plastique, les fermentescibles, c’est beaucoup plus facile à valoriser en aval. C’est exactement pareil pour les flux à l’intérieur de la maison", explique Benjamim Clouet, co-fondateur de l'Ecosec.
L'urine est composée à 95 % d'eau, mais aussi d'éléments précieux comme l'azote, le phosphore et le potassium, le trio gagnant dont les plantes ont besoin pour pousser et qui composent les engrais chimiques, un processus à la fois coûteux et polluant. L'urine remplit la même fonction.
Bruno Le Breton a accepté d'offrir son vignoble, comme terrain d'expérimentation. 
Il y a deux ans, il a remplacé les engrais traditionnels par de l'urine sur une petite partie de ses vignes au Domaine de la Jasse, près de Montpellier, dans le sud de la France.
"Les premiers essais ont montré qu'à l’application, il n’y a pas de mouches, pas d’odeur. [...] Le résultat sur le vignoble est significativement positif puisqu’on voit rien. L'urine fait le même job que les engrais [...]", se félicite le vigneron.
Les raisins exposés à l'urine par le système d'irrigation au goutte-à-goutte ont été récoltés et analysés, sans que rien d'inhabituel n'ait été détecté.
Mais pour Bruno Le Breton, il reste un obstacle : la relation que les gens entretiennent avec leurs propres excréments. " Associer l’urine au produit du vin, un produit très noble, ça reste un raccourci qui est compliqué à faire dans la tête des gens. C’est simplement à nous citoyens de se poser la question 'est-ce qu’on est prêt à y aller ou pas' ?."
Utiliser de l'urine pour faire pousser des bactéries
Chez Toopi Organics, près de Bordeaux, utiliser l'urine pure n'est pas la solution. La quantité nécessaire est bien trop importante pour qu'elle soit utilisée à grande échelle dans l'agriculture.
Dans un champ de blé, un hectare nécessiterait 30 000 litres d'urine par an, plus des équipements adaptés, beaucoup de temps et de l'essence.
Toopi Organics utilise donc l'urine pour cultiver des bactéries utiles aux plantes. Certaines bactéries peuvent aider les plantes à accéder au phosphore du sol. D'autres fixent l'azote dans l'atmosphère et le libèrent directement dans le sol.
Ces produits existent déjà sur le marché, mais ils coûtent chers. Si l'on en croit Mikael Roes, la technique qu'il a développée à base d'urine peut faire baisser le prix de 50 euros par litre à 0,30 euros par litre, pour le même produit.
Une innovation qui permet d'envisager de réduire la dépendance de la société vis-à-vis des énergies fossiles qui finiront un jour par s'épuiser.
"Notre pari est de ne pas attendre de ne plus avoir le choix. On essaye de mettre en place des produits qui sont plus performants que les engrais minéraux et qui sont disponibles tout de suite", conclut le jeune PDG de Toopi Organics.
©Marina Bertsch / ©FRANCE24
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